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Le quart d'heure du quatre-heures cinématographique et autres douceurs
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  • "Le quart d'heure du quatre-heures cinématographique et autres douceurs" regroupe des analyses, critiques, récits, points de vue personnels sur le cinéma, le théâtre et l'art. A lire avec un thé ou un chocolat chaud.
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7 mai 2012

"Bullhead" (2011), Michaël R. Roskam

426816_10150638089969507_656219506_8897749_70178654_nEn sortant de la projection de Bulhead, un arrière goût de malaise et de tourni perdure sur la langue. Non pas que le film ait été un tourbillon infernal et spectaculaire à proprement parler. Non, cet arrière-goût vient d'images floues et entrelacées dont le noeud se délie dans la séquence finale. Que reste-t-il de ce film à part ceci et quelques réminescences de paysages grisâtres et de visages renfrognés ou débiles ? Un scène-symbole qui semble résumer tous les enjeux du films : celle de la naissance d'un veau par césarienne d'où la beauté découle de la violence. Un couteau découpe une partie du flanc de l'animal, laissant couler le sang, des pattes sortent du trou formé, des chaînes viennent suspendre le nouveau-né encore enduit du plasma de sa mère. Le veau tremble. L'image est horrible. Quant va-t-on l'arrêter, pour son bien à lui et pour le nôtre ? Bientôt Jacky Vansmarsenille, au physique de "tête de boeuf " (traduction dudit film), le pose délicatement dans une brouette, comme une mère de substitution. La torture est terminée.

Cette scène me semble centrale pour résumer Bullhead : les bovins autour desquels circulent un trafic d'hormones, la reproduction, la beauté transcendant la laideur, la violence et la tristesse du monde proposé par Michaël R. Roskam dans ce film à trois histoires qui convergent vers l'écorché-vif Jack Vanmarsenille. Personnage hermétique et violent, il cache un lourd secret dévoilé au cours de flash-backs saisissants et glaçants : ceux d'une émasculation à coups de pierre, alors qu'il était enfant, par le débile du village, fils de l'associé trafiquant de son père et frère de Lucia qui ne cessera d'obséder Jacky.

Bullhead est un film sur l'apparence. Les grands paysages belges cachent de petites fermes où s'habritent l'horrible secret de l'émasculation de Jack et de son implication dans un trafic d'hormones dont il est lui-même dépendant, tandis que son ami Diederik (seul témoin du drame) cache son homosexualité et s'avère être un indic' de la police. Celle-ci est d'ailleurs présente durant tout le film, à travers des interrogatoires, des vidéosurveillances, des recherches, mais à son enquête est menée en parallèle celle de Jacky pour accéder à ce qu'il n'aura jamais, une famille, à cause d'un adolescent attardé qui finira ans les murs d'un hôpital psychiatriques et dont Jack ne pourra finalement se venger. Tel un chasseur, il poursuit Lucia dans sa boutique, dans une boîte où il tue un prétendant dérangeant, ce qui le conduira à sa perte, dénoncé par Lucia même.

Dans Bullhead, il y a cette forte notion de mélange des genre, sexuels et cinématographiques, renforcés par les allers-retours permanents entre le français et le flamand, la pudeur et la violence, l'archaïsme et la subtilité. Ces poids et choix des apparences, floues, tronquées, instables, viennent court-circuiter le spectateur là où on ne l'attend pas. Film policier au temps étiré, quête de vengeance et d'identité, drame social avec des pointes d'humour gras, Bullhead est comme un arbre brûlé vif dans le paysage cinématographique belge par la tristesse de son sujet noir et de son esthétique gris acier.

 Pauline Pécou

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